Séparation entre les activités bancaires utiles à l’investissement (ou à l’emploi) et les opérations spéculatives
Promesse partiellement tenue de François Hollande
Le 13 novembre 2012, François Hollande a promis que la loi de réforme du secteur bancaire « séparera[it] les activités de dépôt, de crédit, que les Français connaissent, qui les rassurent, de celles liées à la spéculation, qui les inquiètent » et qu'elle « interdira aussi les produits toxiques."
Le 19 décembre 2012, le ministre de l'Economie Pierre Moscovici a présenté son projet de loi en conseil des ministres :
Les mesures devaient s'appliquer avant 2015.
Les banques, soutenues par de puissants lobbies, ont obtenu de pouvoir exercer les deux types d'activités (spéculatives et "utiles") au nom d'une même holding. Un "responsable du ministère de l'Economie" a justifié le 26 novembre 2012 dans Libération l'enterrement de la promesse de François Hollande : "On souhaite préserver le modèle français de banque universelle, qui fonctionne, mais aussi éviter une réforme molle."
Une audition de Frédéric Oudéa, PDG de la Société Générale, a mis en lumière, le 31 janvier 2013, la faible portée de la loi: elle ne devrait concerner que 1% des activités des banques.
La loi adoptée par l'Assemblée le 19 février 2013 a subi des évolutions minimes : la définition plus précise de la "tenue de marché", les fameuses activités jugées"utiles" par les banques, et la détermination d'une taille maximale à ces "tenues de marché" dans le chiffre d'affaires de la banque. Le Sénat a voté à son tour la loi, le 22 mars 2013, à une forte majorité. Le texte a rendu la réforme bancaire plus musclée en matière de paradis fiscaux et de rémunération des banquiers.
Lors de l'adoption en deuxième lecture à l'Assemblée, les députés ont tenté de renforcer la loi, notamment sur les plafonds de frais bancaires, les rémunérations variables des banquiers...et les paradis fiscaux.
C'est en l'état que le projet de loi a été adopté par le Parlement le 18 juillet 2013.
L'ambition de départ est donc demeurée hors d'atteinte – seule une partie des activités spéculatives s'est retrouvée isolée au sein des banques. Par ailleurs, les décrets relatifs à la création des filiales n'avaient toujours pas été signés en mai 2014, et les banques ont donc tardé à les mettre en place.
Une fois les décrets signés, les activités très spéculatives comme le trading haute fréquence (THF) et le trading sur les matières premières agricoles ne seront interdites que dans le cas des activités "pour compte propre" de la banque (c'est-à-dire avec les fonds et pour le profit des établissements) mais pas pour les activités à destination des clients, ni en cas de couverture de risque ou de tenue de marché (terme vague désignant le fait d'intervenir sur les marchés sans chercher à tirer profit de son action, pour assurer la « liquidité » des échanges).
La France possède donc sa propre loi de séparation des activités bancaires. Et le gouvernement a vu d'un mauvais œil le projet de loi européen, beaucoup plus ambitieux, présenté par Michel Barnier le 29 janvier 2014. "Nous demandons que le texte respecte les législations que nous avons prises", a déclaré Pierre Moscovici.
Le texte du commissaire au Marché intérieur visait à cloisonner les activités de marché les plus risquées au sein des grandes banques systémiques et à interdire les activités spéculatives dites de "négociation pour compte propre".
Différence avec la loi bancaire française de 2013 : le champ d'application du texte européen serait beaucoup plus large. Mais il prévoyait l'exemption des banques britanniques. Conséquence : les activités de marché des banques britanniques et les banques d'investissement américaines bénéficieraient d'un sérieux avantage compétitif.
Le projet a reçu le feu vert des ministres européens de l'Economie et des Finances en juin 2015, au grand dam des banques françaises. Il n'est cependant toujours pas entré en application, et le Brexit risque de compliquer encore un peu plus les choses, selon Atlantico.
En juin 2015, les rapporteurs de la loi Karine Berger et Jérôme Chartier ont fait un bilan mitigé de la loi sur la séparation bancaire. Sur 10 banques concernées, seules BNP Paribas et la Société Générale ont annoncé qu'elles rassembleraient leurs activités les plus risquées dans des filiales séparées.
Le magazine Challenges a tenté d'expliquer la faible portée de la loi :
Le 23 mars 2016, Mediapart a publié un article rédigé par un collectif, qui pointait le faible avancement des réformes en matière de séparation des activités bancaires. Les Echos soulignaient toutefois que la protection des contribuables – un des objectifs de la séparation des activités bancaires – a progressé en 2016 grâce à l'adoption de la directive BRRD, qui fait en sorte que lesdits contribuables ne doivent pas payer l'addition en cas de faillite de leur banque.
Calendrier en retard
Type de promesse : Projet présidentiel
Mots-clés : banquesGlass-Steagal ActPierre Moscovicimoralisationloi d'assainissement bancaireréforme bancaire