La France ne paiera plus de rançon pour la libération de ses otages
Consignes de François Hollande données aux services de l'Etat au début de l'année 2013
Depuis plusieurs années, la France est accusée d'adopter une position singulière. Officiellement, elle affirme ne pas payer de rançon pour ne pas renforcer les groupes terroristes en leur permettant de se financer de la sorte (et pour ne pas transformer les Français en cibles privilégiés). Mais de nombreuses sources et articles affirment que le pays, contrairement aux Etats-Unis ou à la Grande-Bretagne par exemple, verse en réalité réglièrement des rançons pour libérer ses otages.
Au début de l'année 2013, François Hollande et Laurent Fabius affirment que la France va changer de doctrine. Ils s'engagent à refuser "toute forme de versement", ce qui comprend les sommes récoltés par les familles ou les groupes privés.
Le journal Le Monde cite ainsi François Larribe, femme d'un des quatre otages français enlevés en septembe 2010 par AQMI au Niger :
"C'était le 13 janvier, un dimanche de neige, M. Hollande nous a réunis à l'Elysée. (...) "Il nous a dit qu'il était impensable que l'on donne de l'argent à des organisations contre lesquelles nous sommes en guerre. Le changement de ton a été radical entre la précédente rencontre, en septembre, et celle-ci. La discussion a été tendue. Les rançons sont une goutte d'eau dans le financement du terrorisme par rapport à la drogue dans cette région. Ma famille et moi considérons qu'il se fourvoie dans sa gestion des otages, je suis dégoûtée."
Interrogé sur le sujet en octobre 2013 lors d'une séance de questions au gouvernement, à l'Assemblée nationale, Laurent Fabius, ministre des Affaires etrangères, confirme la promesse présidentielle rapportée par Le Monde : "La France ne paie pas de rançon, c'est clair et net".En revanche, il a entretenu le flou quant à l'apport d'argent privé dans la libération des otages du Niger, employés du groupe français Areva. Sur TF1, Laurent Fabius affirme en effet que "pour ce qui dépend de l'Etat français, il n'y a pas d'argent versé". Mais interrogé sur une rançon payée par de l'argent "privé", il a répondu : "pas d'argent public versé".
Promesse non tenue de François Hollande
A plusieurs occasions, ce changement de doctrine a été mis en doute :
Par ailleurs, plusieurs diplomates, journalistes ou experts ont affirmé que la France continuait à payer des rançons, en détaillant ce "business des otages". Dernier en date, Barack Obama a déclaré le 13 septembre dans une interview au New York Times : "Le président français, François Hollande, dit que son pays ne paye pas de rançons aux terroristes, alors qu'en réalité, il le fait."
Dans les documents fournis par Edward Snowden, ancien agent de la NSA, à un consortium de journalistes, on apprend que les Etats-Unis ou le Royaume-Uni aident la France à libérer ses otages. Une façon pour les deux pays d'éviter que la France ne paye pas de rançon (article abonnés). D'après certaines informations, les gouvernements successifs de Nicolas Sarkozy et François Hollande auraient versé 51,9 millions d'euros pour 11 otages entre 2008 et 2014.
Dans ces mêmes documents, on apprend également que la France aurait fait pression pour que les textes internationaux ne revêtent pas de caractère contraignant ou une criminalisation des pays qui payent des rançons.
Dans un documentaire diffusé en janvier 2017 (il est consultable en ligne sur YouTube ici) dans l'émission Envoyé Spécial, "Otages d'Etat", l'un des négociateurs de la libération des otages d'Arlit, Pierre-Antoine Lorenzi affirme que "c'est l'Etat qui a payé".
Le site d'investigation Mediapart, qui a travaillé avec l'équipe de France 2 et la radio RFI sur cette enquête, précise que ce sont les fonds spéciaux du ministère de la Défense, qui ont servi à verser la rançon.
Selon le fruit de cette enquête journalistique, la promesse de François Hollande n'aurait donc finalement pas été respectée.
Type de promesse : Annonce de mandat
Thèmes : Europe et international
Mots-clés : otagesrançonterrorismeaffaires étrangèresInternationaldiplomatie